Fini hier soir.
Et comme promis, petit CR de lecture.
Evidemment, je l'ai lu de la pire des façons pour ce genre de bouquin : de A à Z, sans même le moindre disque en fond sonore. Mais je le reprendrai forcément à l'occasion, pour relire le chapitre correspondant en écoutant un des disques. Au petit hasard des envies...
Franchement j'ai beaucoup aimé le livre, notamment parce que :
- l'introduction est vraiment bien (je n'ai pas lu "Figures de Bob Dylan", je ne sais pas si elle reprend des idées qui y sont déjà développées) ;
- il repère dans la construction des albums des moments volontairement plus légers pour respirer entre les gros morceaux. Idée qui ne m'était jamais venue, et qui est probablement fort juste ;
- la taille allouée à chaque chanson reste raisonnable : il n'y a pas huit pages pour Desolation Row ou Like A Rolling Stone quand d'autres sont expédiées en deux paragraphes. Certes, certaines sont expédiées en deux paragraphes (méritaient-elles mieux ? je ne crois pas) mais les plus longues prennent deux pages max ;
- les analyses essaient toujours d'être faites en rapport avec ce qu'on peut savoir de ce que Dylan pense des chansons en général et des siennes en particulier, et leur réussite est donc mesurée à cette aune ;
- il y a toujours un bon équilibre entre la part faite à la musique et au texte. Bon, j'aimerais un jour lire des analyses sur la musique de Dylan, de façon plus pointue, en oubliant un peu les textes, mais ce n'est clairement pas le propos ici ;
- ce n'est jamais trop pointu / érudit dans la dylanomania (inversement, ceux qui rechercheraient cela risquent d'être un peu décus) ;
- on a un peu les mêmes goûts : aucune des chansons que j'aime sont éreintées, on a souvent la même idée des médiocres (en plus, il est rarement complaisant) et il relève souvent les mêmes perles que moi (Three Angels
) ;
- il m'a donné envie de me pencher sérieusement sur Planet Waves, disque dans lequel je ne suis jamais rentré. Mais là, c'est très convaincant.
Ce que j'ai moins aimé :
- le côté systématique concernant l'évocation des versions live, qui tourne toujours à identifier quelques versions du NET qui se distinguent. Au bout d'un moment, cela devient fastidieux, surtout pour quelqu'un comme moi qui n'en est pas encore au stade de se lancer dans l'écoute un peu sérieuses des bootlegs. Inversement, c'est sûrement un superbe outil pour qui voudrait se lancer.
- il oublie souvent à quel point Dylan est un comique. Le terme pochade n'apparait que pour une seule chanson (je ne sais plus laquelle, d'aileurs). Et à mon avis (sans en être 100% certain, je ne connais pas de façon extrêmement précise l'environnement de ces années-là), on peut classer le jeune Dylan dans la catégorie des Lenny Bruce, Coluche, Desproges, Reiser : ceux qui introduisent un humour nouveau et ravageur pour les poncifs ou idées majoritaires de leur époque. Surtout les Talkin'... Blues (John Birch, Bear Mountain, World War III), I Shall Be Free (la rime Brigitte Bardot / Country will grow !), Motorpsycho Nitemare... sont ouvertement des foutages de gueule. Ridiculiser pour qu'il n'en reste rien, ou plutôt pour qu'il en reste que tout cela n'est pas si sérieux que tous ces gens s'en donnent l'air. C'est d'ailleurs un de mes regrets chez Dylan : il a rapidement abandonné cette veine dans laquelle il excellait. Peut-être la dernière occurrence est-elle le "Man you must be puttin' me on... Next time you see me comin' you'd better run" de Highway 61.
Un truc que je n'ai vraiment pas compris : pourquoi ce nom de "trilogie statique" pour Time Out Of Mind / "Love And Theft" / Modern Times ?
Enfin, petite précision pour ceux qui n'ont pas encore jeté un oeil : le choix est de traiter toutes les chansons qu'on peut entendre chantées par Bob Dylan sur des disques officiels. Ce qui inclut les reprises (très bonne idée) et exclut celles qu'il a juste écrites et données à d'autres (et qui ne sont ni sur les Witmark demos ni sur les BS). Un peu dommage pour l'exhaustivité, mais je ne sais pas combien il peut y en avoir qui échappent ainsi. Peut-être pas tant que ça.
Voilà. En tous cas, je vais lui faire sa place entre mon vieux Lyrics 1962-1985 et Dylan par Dylan.